Société Métrique de France

Société métrique de France

Collection et Histoire des balances, poids et mesures
Histoire et défense du Système métrique décimal

Société métrique de France

Collection et Histoire des balances, poids et mesures
Histoire et défense du Système métrique décimal

Poids de Ville

Les poids dénommés “Poids de ville” se caractérisent d’abord par l’indication de la ville où ils ont été émis (mentionnée soit via un nom explicite soit via les armoiries de la cité).
Sur certaines séries le nom et le nombre des unités de masse sont spécifiés, en toutes lettres ou sous forme abrégée.

Demi-livre,-Béziers,-XVIII°-siècle

Leur production s’est principalement développée dans le sud de la France,entre le Moyen-âge et la fin du XVIIIe siècle.

La dénomination “de ville”suggère des aires de diffusion limitées, locales ou au plus régionales, pour  certaines places importantes.

Selon la nature des commerces de détail auxquels ces poids étaient destinés, les séries émises pouvaient comporter des exemplaires allant d’une fraction d’once à une ou deux livres, voire quelquefois à trois livres (dans ce dernier cas il s’agit peut-être de livres dites “carnassières” ¹ ).

¹ La livre carnassière était une livre particulière (comportant trois fois le nombre d’onces de la livre ordinaire dont elle dépendait) : utilisée dans le commerce de boucherie, elle servait pour peser certains “bas morceaux” (comportant des tendons ou des os), facturés au client pour une livre alors qu’il en recevait trois livres.

Pour tous les poids avant le système métrique, il faut tenir compte de leur origine géographique, ainsi que de la période d’utilisation, voire de la profession, auxquels ils étaient destinés.

Deux-livres,-Castres,-émission-de-1594

Les « poids de ville », autrefois « poids municipaux » représentent un patrimoine remarquable pour la métrologie ancienne.

Leur intérêt réside dans le fait qu’ils révèlent les systèmes pondéraux ¹ en usage dans la plupart des grandes villes – principalement méridionales – qui ont durablement gardé une grande autonomie par rapport à la livre poids de marc en usage dans la France du nord et que les pouvoirs monarchiques successifs n’ont pu imposer.

 Ils témoignent aussi des relations de dépendance et/ou d’échanges qu’entretenaient toutes ces cités, parfois très éloignées, entre elles.

¹ Système pondéral, dans lequel la valeur d’une monnaie est directement liée à son poids de métal précieux. Poids dénéral, dénéraux : poids monétaire, qui servait à contrôler le poids des espèces frappées, surtout des pièces d’or.

Quart de livre, 7° type, Montpellier XVII° siècle
Quart de livre, Salon de Provence, XVIII° siècle

Privées de la capacité de battre monnaie ces villes ont, par les attributs apposés sur ces poids, cherché à marquer leur autorité et leur histoire.

Elles ont défendu ce privilège qui, par les droits d’étalonnage et de vérification qui leur étaient octroyés, procurait de substantielles ressources.

Ces attributs reprennent pratiquement systématiquement tout ou partie des armoiries et symboles des villes et/ou seigneuries où ces poids ont été émis et utilisés. Ils sont le témoignage d’un passé lointain, certains de ces attributs n’existant plus depuis.

Livre, Nîmes, Série C, XVIII° siècle
Demi-livre,-Agde,-XVIII°-siècle

Dans la grande majorité des cas, les masses mesurées aujourd’hui ne permettent pas d’identifier ces poids.

Sur un lot d’une même unité pondérale d’une ville donnée, les valeurs sont très disparates et parfois assez éloignées des équivalences métriques retenues aux dates et lieux d’élaboration des tables de conversion, établies suite à l’instauration du Système métrique et continuellement reprises depuis.

L’usure, les accidents, les défauts de fabrication, des contrôles insuffisants n’expliquent pas tout. Il est probable que, sur de longues périodes, les masses de référence aient évolué par défaillance de l’étalon local ou en référence à un étalon d’une cité voisine, par jeu d’alliance ou de dépendance.

La source principale d’identification tient donc à la reconnaissance des attributs, variables suivant les époques et le type des poids.

Ces poids sont pratiquement toujours en bronze moulé.

Livre,-Lézignan-Corbières,-XVIII°-siècle

On retient deux types principaux de poids :

Les poids de type « monétiformes »¹

sont les plus anciens. Ils sont en forme de disque ou de galette et « marqués » sur les deux faces, à l’instar des monnaies et autres médailles qui, elles, sont « frappées ». On retrouve pratiquement toujours : la valeur pondérale du poids, en livre(s) ou en once(s) (sa subdivision), en écriture romaine jusqu’au 16ème siècle, ainsi que les dates d’émission (sauf pour les poids de petite taille et de faible masse).

¹ Qui a la forme, l’aspect général d’une pièce de monnaie

 
 Poids monétiforme d’un quart de livre de la ville de Nîmes

 avec les inscriptions suivantes : – « FAITES : LE : POYS », avec la Tour Magne,

 et sur l’autre face « CARTERON DE NIMES 1577 » avec un crocodile enchaîné à un palmier, emblèmes de la ville.

Poids monétiforme d’une livre de la ville de Toulouse, livra de Tolosa,

à l’avers l’agneau pascal accosté d’un château et d’une église,

au revers une croix « cléchée »

appartenant également aux armoiries de la ville

entourée de la date d’émission -1500.

Les poids dits « anépigraphes »²

apparaissent à partir du 17ème et surtout au 18ème siècle. Ils sont de formes plus variées. Ils possèdent toujours les emblèmes représentatifs de leur cité mais sans aucune autre indication. Le motif n’est que sur une seule face. Des insculpations complémentaires réalisées ultérieurement peuvent exister comme des marques de contrôle, des initiales de leur détenteur, des dates, etc. Ce type va circuler principalement dans les grandes cités marchandes du sud-est languedocien.

² Qui est sans inscription, sans titre

Bien que produits en grande quantité pendant près de six siècles, pour le commerce de détail, ils ont pratiquement disparu des circuits de vente habituels et on ne les trouve dans quelques rares ventes aux enchères.

Ils ont pourtant attiré des collectionneurs dès la fin du 19è siècle. Plutôt discrets aujourd’hui, on retrouve ces poids principalement dans les réserves de quelques musées.  

Document extrait de l’article de 16 pages de Jacques Fèvre paru dans le bulletin 2022/3

Une sélection d’articles, parus de 1978 à 2023
dans le bulletin de la Société métrique de France

Titre de l’article Auteur Année/ N° Page(s)
Quelques poids d’Albi
A. POMMIER
1988/2
372-374
Poids de ville : Nîmes
A. POMMIER
1989/4
482-486
Quelques poids de Toulouse
A. POMMIER
1991/1
583-590
Poids de Bordeaux , d’Avignon
J.FÈVRE
2019/1
3889-3891
Poids de Castres
R.GAILHOUSTE
2019/1
3892
Les poids de ville d’Alès et d’Anduze
D.TRAVIER
2021/1
4192-4195
“Poids de ville”, un riche patrimoine à préserver
J.FÈVRE
2022/3
4396-4412
Rares poids anciens de Montpellier
J.FÈVRE
2023/1
4487-4491

Voir notre page  Bulletins récents

Bibliographie

Album des poids de France – Jean Forien de Rochesnard et Jacques Lugan 

Au niveau des sources documentaires, la principale référence reconnue par tous aujourd’hui est constituée des recherches et publications réalisées par Jean Forien de Rochesnard et Jacques Lugan puis, après la disparation de ce dernier, avec la collaboration de François Lavagne.

Dès 1955, ils publiaient une masse considérable d’informations dans leur ouvrage Catalogue général des Poids- Alliance numismatique européenne à Anvers. Toutefois, cet ouvrage purement littéral et descriptif manquait d’iconographie pour aider l’amateur, le collectionneur, à s’y retrouver

Ce handicap fut levé avec la publication en 1957 de l’Album des poids de France largement complété dans une nouvelle édition de 1976 qui présentait, par le dessin, un recensement très complet de poids, de ville principalement, identifiés par les auteurs.

Poids anciens des villes de France – Louis Gaillardie

Ils s’attachèrent à vulgariser eux-mêmes ces travaux de recherche sur les poids pré-métriques par des communications faites auprès des « Sociétés savantes » régionales, pour ce qui les concernait, à l’occasion de leurs congrès annuels et qui en assurèrent la diffusion dans leurs annales. (1956-1962).

Ces recherches s’inscrivaient dans le prolongement de celles réalisées, plus modestement, par Louis Gaillardie à la fin du 19e siècle et publiées sous le titre

Poids anciens des villes de France 1898), riche d’une belle iconographie

Catalogue des poids anciens des villes de France – Paul Burguburu

Médaillier municipal et Collection Émile Lalanne – Bordeaux – 1936.

Poids et Mesures du Languedoc et autres provinces voisines – Armand Machabey

 Inventaire de la collection du Musée Paul Dupuis de Toulouse, publié en 1953 reconnue comme la plus importante de France.

La métrologie dans les musées de Province et sa contribution à l’histoire des Poids et Mesures en France depuis le XIIIe siècle – Armand Machabey

(thèse du 19.06.1959). Edition du C.N.R.S., 1962.

La practica della mercatura – Pegolotti [Francesco Balducci]

Manuel de marchand, rédigé au début du XIVe siècle par un jeune employé de la banque Baldi à Florence, suite à son périple de formation en Europe entre 1320 et 1340 

1e éd. par Pagnini à Lisbonne, 1766 

rééd. en langue anglaise/USA, Allan Evans/Medieval Academy of America, 1936.

Poids de ville du musée Puig à Perpignan – Guy Sciau -1996
poids de ville en béarn
Poids de ville en Béarn, du Moyen Âge à la Révolution – Jean Teitgen – 2006
poids de ville du musée puig
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